agsdix-smt2-location-city

Le siège de La Rochelle : petite chronique d’une prise impitoyable

 

Au XVIIe siècle, La Rochelle incarne l’indépendance politique et religieuse des Huguenots, protestants français qui défient la couronne catholique.

Le siège de La Rochelle, qui se déroule de 1627 à 1628, marque l’apogée du conflit religieux en France et transforme à jamais l’équilibre du pouvoir dans le royaume. Retour, étape par étape, sur l’une des batailles les plus impressionnantes de l’histoire moderne, où la volonté humaine, l’ingéniosité militaire et la ténacité religieuse s’entrechoquent.

La Rochelle, un bastion protestant au cœur du royaume catholique

La Réforme a profondément bouleversé la France dès le XVIe siècle. Dans le Sud du pays en particulier, de nombreuses familles nobles et villes prospères embrassent la cause protestante. Les guerres de Religion, déclenchées en 1562, plongent la France dans le chaos pour des décennies. La signature de l’édit de Nantes en 1598 accorde aux Huguenots des privilèges religieux et politiques exceptionnels, notamment le droit de « garnisonner » des villes “places de sûreté” aux frais du royaume. Parmi ces joyaux, La Rochelle, prospère port atlantique de 28 000 habitants, ancêtre de la modernité urbaine et du commerce français, mais surtout forteresse imprenable et fière cité républicaine, autogérée par un sénat élu.

Sous Henri IV, roi protestant converti, puis après sa mort, le compromis demeure fragile. Quand Louis XIII monte sur le trône en 1617, il vise la centralisation du pouvoir et considère les privilèges huguenots comme une menace. Malgré la réaffirmation provisoire de l’édit de Nantes, la guerre ressurgit en 1621. Les rebellions se succèdent face à la remise en cause de leurs droits. Mais l’arrivée en scène du cardinal Richelieu, “homme de fer” et premier ministre du roi, va bousculer l’ordre établi : il fait de l’élimination du péril protestant un objectif absolu, et La Rochelle son adversaire principal.

La forteresse rochelaise : entre mythe et réalité

La Rochelle, “citadelle toute-puissante”, se dresse au sommet de l’art militaire de son temps. Au-delà d’une simple muraille, la ville déploie un réseau complexe de fortifications réaménagées à la mode italienne : fossés inondés, bastions multiples, ouvrages détachés pour tromper l’ennemi, et surtout la possibilité d’inonder les approches grâce à un ingénieux système de vannes. La mer lui offre une protection naturelle, renforcée par trois îles (Ré, Aix et Oléron), tandis qu’au nord, l’unique accès terrestre est surveillé de près. Une énorme chaîne barre le chenal entre deux tours imposantes afin d’empêcher toute intrusion navale, illustrant la détermination farouche des Rochelais à préserver leur autonomie.

Le début du siège : hésitations, alliances et premiers clashs

Dès l’été 1627, Richelieu prépare secrètement le siège. Mais les Rochelais, informés, organisent la résistance. Le duc de Buckingham, envoyé par le roi d’Angleterre Charles Ier, se joint à la cause protestante dans l’espoir de déstabiliser la France catholique, débarquant à l’île de Ré avec 80 navires et 7 000 hommes. Cependant, la population rochelaise redoute l’alliance avec une puissance étrangère, considérant toujours le roi de France comme leur souverain légitime : ce n’est que sous la pression de Catherine de Parthenay, matriarche charismatique des Rohan, que leur soutien s’affirme. Mais le temps presse, et quand les débats internes traînent, l’armée royale forte de 11 000 hommes, dirigée par le duc d’Angoulême, encercle la ville le 4 août 1627.

La tension monte encore lorsque les royalistes renforcent le Fort Saint-Louis, perçu comme une provocation insupportable par les citadins. L’hostilité explose : les Rochelais ouvrent le feu, scellant le sort d’une négociation pacifique. Trop risqué d’assaut frontal, Richelieu adopte la tactique de l’étouffement avec un blocus terrestre et maritime implacable.

Le génie militaire à l’épreuve : la “muraille de la mer”

Mais La Rochelle dispose toujours d’un ultime avantage : l’accès à la mer, par où les Anglais parviennent à ravitailler la ville. C’est là que Richelieu va faire preuve d’originalité en ordonnant la construction d’un barrage sur plus de 1,5 km, reliant la côte aux îles. Un ingénieur italien, Pompeio Targone, tente d’édifier une digue flottante… balayée par la première tempête. On fait alors appel à Clément Métezeau et Jean Thiriot, deux architectes français pragmatiques : cette fois, des digues massives de pierre sont montées, équipées de canons et hérissées de pieux anti-navires. Les milliers d’ouvriers, bien nourris, pressés par Richelieu et jusqu’au roi lui-même, travaillent toute la saison froide. Peu à peu, l’étau se resserre. Quand la digue devient praticable, La Rochelle est véritablement “coupée du monde”. Une prouesse technique encore célébrée de nos jours.

Hiver de souffrance et tentatives de secours

Au sein de la cité, la détresse gagne. Les femmes et enfants (“bouches inutiles”) sont refoulés par Richelieu, condamnant la population à résister ou périr. La misère s’installe, portée par la faim et la promiscuité. Les tentatives anglaises se soldent par l’échec : le siège de l’île de Ré est abandonné après de lourdes pertes, les assauts contre la digue sont repoussés, les “torpilles” primitives employées n’effraient personne. Arc-bouté sur sa mission, Richelieu refuse toute compassion, galvanisé par le soutien du clergé catholique qui finance et participe activement au siège – l’évêque de Mende commande même une flottille royale avant de périr au combat. On cherche même à s’introduire dans la ville par les égouts, en vain.

La résistance héroïque de Jean Guiton et la famine totale

En avril 1628, Jean Guiton, marin aguerri, prend la tête de la défense. Son intransigeance est célèbre : celui qui évoque la reddition risque la mort, lui le premier. Cependant, la faim terrasse tout sur son passage : familles entières meurent dans leurs maisons, bientôt les plus pauvres, puis les plus influents se nourrissent de chevaux, voire d’animaux immondes. Guiton, épaulé par Catherine de Parthenay, multiplie les appels désespérés à l’Angleterre, en vain.

L’automne 1628 : agonie et capitulation

Une dernière flotte anglaise tente d’atteindre la cité mais renonce devant le dispositif français, assaillie par les vents et le feu ennemi. En octobre, la situation devient insoutenable. Seuls 136 soldats tiennent encore debout ; la ville, décimée, cède. Guiton négocie alors la reddition : Richelieu, sans pitié pour la rébellion, mais soucieux d’asseoir la victoire, accorde des conditions relativement clémentes. Il promet la liberté de culte et la sécurité des biens, exile quelques chefs mais fait incarcérer Catherine de Parthenay, “la flamme de la résistance”.

Bilan : la fin d’un monde protestant

Les conséquences sont terribles : sur près de 28 000 habitants, à peine un tiers survivent. Les droits collectifs et politiques des Rochelais sont abolis, la ville catholique est “normalisée” et ses défenses rasées, à l’exception des trois grandes tours du port. La structure même de la société protestante est détruite, préfigurant la centralisation autoritaire du pouvoir royal avec la montée ultérieure de l’absolutisme.

Le siège de La Rochelle demeure, aujourd’hui encore, un symbole de la résistance acharnée d’une cité libre face à l’appareil d’un État moderne, capable de mobiliser des ressources immenses et d’innover militairement pour parvenir à ses fins. Il sonne comme le crépuscule de l’époque des guerres de Religion et marque l’avènement du temps des monarques absolus. Une page tragique, mais essentielle, de l’histoire de La Rochelle et de la France.

smt3 transfer within a station icon

Hey, pour mémoire, les vestiges du siège de La Rochelle sont à seulement 3 km de nos appartements 😉

Pour profiter pleinement de votre visite, réservez dès maintenant votre hébergement sur https://apparthotellarochelle.com 😉